Rendez-vous (réservé - bureau)

Je n'aime pas les hôpitaux. En même temps, qui aime ce genre d'endroits ? Il faut vraiment avoir une préférence assez particulière. Quand on y va, ce n'est jamais très bon signe. Cela signifie essentiellement que quelqu'un que nous connaissons ou bien soi-même a un problème. Il y règne une drôle d'ambiance, comme si on pouvait réellement la décrire aussi …
Si je me rends aujourd'hui à l'hôpital, usant ma journée de libre pour ça, c'est pour une visite de contrôle. Il y a environ un mois, avant les fêtes de Noël, je me suis fait opéré au niveau de l'oeil. Tout s'est très bien passé, je vois normalement. Mais il faut quand même contrôler que tout va bien. Et c'est ce que m'annonce mon chirurgien, en refermant mon dossier.
Après les vérifications d'usage, il m'annonce qu'il me reverra d'ici trois mois pour un autre contrôle et ces derniers s'espaceront de plus en plus par la suite. Je me retiens alors de demander quand je le reverrai, autrement. Parce que si ce rendez-vous se passe (certes) dans un hôpital, la personne avec qui il a lieu m'intéresse énormément.
J'ai très souvent pensé à lui depuis ma sortie et me languissais de le voir. Dans ce genre de cas, je m'énerve moi-même, me trouvant à agir comme une adolescente. Il faut dire aussi que nous nous sommes embrassés lui et moi. Est-ce que ça voulait dire quelque chose ou pas ? En plus, Tobias n'en parle pas et reste professionnel. Trop professionnel.
Allez beau brun, lance-toi, dis quelque chose, je suis à toi. Nous arrivons au moment où le rendez-vous se termine. Mais je ne bouge pas de mon fauteuil. Je réalise qu'il ne fera rien et dira encore moins. Autant prendre les choses en main, je m'y attendais. « Est-ce que tu veux me parler d'autre chose ? » demandais-je, lançant ainsi une perche. « Ceux qui s'est passé d'autres entre nous ? »

Si grand nombre de personnes détestent les hôpitaux, ce n'est pas le cas de Tobias. Depuis son internat, cet endroit était devenu son refuge et il s'y sentait bien. Il y passait ses journées, ses nuits (au grand désespoir de Barbara) sans jamais rechigner. Il sera bientôt titulaire et régnera alors en maître sur ce palais qu'est l'hôpital de Seattle pour lui. Aujourd'hui, il avait rendez-vous avec Warren, celui qu'il croyait quasiment mourant et qu'il avait sauvé lors d'une opération très délicate dont les chances de réussite étaient plutôt faibles. D'ailleurs, s'il avait échoué, il s'en serait voulu toute sa vie. Il faut bien l'avouer, il avait le béguin pour ce patient et cela ne passait pas inaperçu, surtout pour Prim qui le connaissait par cœur, à tel point que parfois il trouvait cela vraiment flippant. Il avait même payé ses soins, ce malade n'ayant pas les moyens financiers pour l'opération. La vérité, c'est que Toby aurait fait n'importe quoi pour qu'il reste en vie. Il avait caché à Bobby qu'une partie de leurs économies avaient servi à financer la chirurgie de Monsieur Valentine. Quand elle le découvrira, elle sera sûrement très en colère mais Tobias n'en avait que faire. Il se devait de sauver les gens, par n'importe quel moyen et il lui était impensable de laisser mourir quelqu'un pour un manque d'argent. Il entra dans la petite où il effectua contrôle post-opératoire. Il vérifia que Warren voyait bien, la tumeur qu'il avait enlevé se situant près du nerf optique. Le brun ne fut pas bien bavard, assez gêné après ce qu'il s'était passé l'autre fois. Puis, il était marié et bientôt papa, il ne pouvait pas tromper Barbara comme ça. Il avait honte de ce qu'il avait fait et en même temps, cela lui avait révélé une part de lui-même qu'il s'était caché pendant des années. Alors, quand Warren posa son regard azur sur lui et lui demanda : « Est-ce que tu veux me parler d'autre chose ? » Il pensa : Non, je ne veux pas parler d'autre chose. Il se sentais très mal, le cul entre deux chaises et ne savait comment se sortir de cette situation. Tobias était complètement perdu. Face à son silence, il continua : « Ce qui s'est passé d'autre entre nous ? » Le chirurgien fit une moue gênée et répondit d'une voix calme : « Écoute, oublie-moi Warren. Je ne suis pas... disponible. » Il avait dit « disponible » pour « marié » comme si ce mot lui faisait peur à présent. Il avait peut-être des sentiments pour ce jeune  homme mais ils se connaissaient à peine et ne pouvait se résoudre à abandonner Barbara qui était enceinte de lui et qu'il connaissait depuis des années. Qui sait, peut qu'il l'aurait oublié pour un autre une fois la porte de cet hôpital franchie et il ne pouvait pas prendre ce risque.

Je regarde Tobias. Qu'est-ce qu'il est beau ! Un brun au regard sombre, dont le sourire se fait quasiment tout le temps coquin. Il correspond parfaitement à mon type d'hommes. Malheureusement, correspondre à ça n'est pas forcément bon signe. Cela veut dire, par exemple, que vous êtes mariés ou bien n'assumez pas votre préférence. Le médecin est quoi, lui ?
Assis sur ma chance, je lance le second sujet de conversation que je voulais aborder. Le fameux baiser que nous avons échangés Keane et moi. J'avoue, j'y pense assez souvent. Mais surtout, je pense à ce qui peut se passer si les choses allaient plus loin et devenaient plus intimes. Est-ce un mal de tomber sous le charme de son médecin, qui m'a sauvé la vie ?
C'est alors que la réponse se fit entendre. Le docteur me lança qu'il n'était pas disponible. Je gardais mon petit sourire en coin et répondis : « Tu as un autre rendez-vous ? » Oui, cette question est très stupide. Ce n'était pas ce que voulez me dire Tobias. Je reprends toute sa réponse dans ma tête. Il veut que je l'oublie car il n'est pas disponible, pas célibataire.
Je perds un peu mon sourire et lâche un : « Oh ! » Je venais de comprendre, en retard. « Tu veux dire que tu as quelqu'un ... » C'était autant une question, afin d'être sûr, qu'une affirmation. Je me sens bête et ridicule. J'ai fantasmé sur cet homme pendant toute la période des fêtes de Noël, pour rien étant donné qu'il est déjà pris. Je suis vraiment con par moments.
Pour la peine, ça m'apprendra à faire le premier pas, je me brûle les ailes plus qu'autre chose comme on dit. « J'aurais mieux fait de m'en douter, sexy comme tu es. » Je souris mais l'espièglerie de toute à l'heure n'y est plus. J'en oublie presque le baiser échangé. « Je vais donc y aller, avant d'être encore plus ridicule. » Je me lève alors et commence à enfiler ma veste.

hj : mon 69ème message .